samedi 20 mars 2010

Interview - Fabrice Olivieri : parfumeur à l'esprit libre !

Fabrice est de ces parfumeurs discrets, qui cultive plutôt la confidentialité. Ses études de commerce l'ont conduit chez Takasago où il fait ses classes au marketing, mais du contact quotidien avec les parfumeurs naît un sentiment de frustration car l'envie de créer se fait rapidement sentir. Il quitte alors l'entreprise pour poursuivre sa formation olfactive, commencée dès la fin de ses études, avec le maître parfumeur Monique Schlienger. Il poursuit l’apprentissage du métier grâce à des passages en tant qu’assistant parfumeur, chez IFF puis chez Quest. Expérience impérative à ses yeux pour perfectionner ses connaissances techniques et aussi pour se confronter volontairement à la création des autres parfumeurs. Autre rencontre majeure, Christopher Sheldrake qu’il a secondé à cette époque.

Esprit libre, Fabrice fonde il y a sept ans sa propre société de création, Trendslab, où il s'occupe à la fois de la création et de dénicher des projets, toujours avec enthousiasme et passion. Le démarrage fut essentiellement dédié à la création de parfum pour des cosmétiques, mais de fil en aiguille, les professionnels le reconnaissent et le contactent aussi pour leurs eaux de toilette. Aujourd'hui, il est très souvent impliqué dès le départ dans le processus de création de beaucoup de projets. Il a par exemple été partie intégrante de l’équipe créative de Nature & Découvertes pour la conception de trois eaux de parfums bio. Il aime travailler directement avec les créateurs, comme avec Ida Delam pour l'élaboration de son parfum, Le 6.

Rencontrer Fabrice, c'est entrer dans un labo au coeur d’un appartement de Pigalle, et découvrir un univers intimiste, convivial et choisi :

Fabrice, tu es connu entre autre pour avoir créé la bougie du prestigieux Studio Harcourt, comment cela s'est il passé ?
Il s'agit avant tout d'une rencontre avec la directrice du studio, qui, au cours d'une discussion me parle de son envie de parfumer le studio pendant les séances photos. Pour ce projet, j'ai choisi un travail en clair obscur, dans le plus pur style Harcourt. Un contraste blanc / noir, de musc blanc et miel blond sur un fond sombre et chaud de gingembre et de cuir. Depuis, c'est devenu la signature du lieu et les stars l’ont adopté !

Qu'est ce qui fait selon toi que l'on te contacte pour un projet, qu'est-ce qui te motive et te plait ?
Je suis très attaché à la cohérence globale, à l'idée, à l'histoire de la marque, et à la traduction en parfum de cet esprit. J'aime les projets à forte identité, sur lesquels je ne me sens pas formaté. Je travaille toujours en interface avec mon client, ce fut le cas par exemple avec Pamela Roberts sur la crème Jatamansi et avec Ida Delam, pour Le 6. C'est sans doute cette proximité et cette réactivité qui fait que l'on me contacte.

Tu as travaillé un projet Bio pour Nature et Découvertes. Quelles ont été les contraintes du bio ?
La contrainte du bio impose de travailler uniquement avec des matières premières naturelles. Aussi, les effets produits par les matériaux de synthèse, qui apportent fraîcheur persistante, volume, sillage, sont difficiles voire impossibles à obtenir. De plus, ces matières naturelles doivent être conformes au référentiel Ecocert, exclusivement obtenues par solvant naturel. Contrainte supplémentaire : leur coût ! Il faut alors trouver le bon accord, développer un style propre à la formulation naturelle, tout faire pour que le parfum tienne, le tout en restant dans un prix raisonnable. Vous imaginez que ce n'est pas simple, mais c'est un challenge qui me plaît, la contrainte permet souvent de se dépasser.
La gamme d’eaux de parfum « Esquisse de Nature » de Nature et Découvertes était un projet passionnant car nous avons travaillé ensemble sur le concept, le développement des parfums, le packaging, le merchandising, en veillant sans cesse à ce que tout soit cohérent.

Tu es fier de ce travail ?
Oui, bien sûr, compte tenu des contraintes imposées, je suis très satisfait de ces parfums et tout particulièrement de Bulle de Yuzu, qui porté par temps chaud va dévoiler lentement toute sa fraîcheur lumineuse. Ce n'était pas évident.

Qu'aurais tu envie de dire sur la parfumerie d'aujourd'hui ?
J'ai l'impression que la notion de qualité des matières se perd. Moi qui suis si attaché à l'effet de profondeur qu’apportent les belles matières naturelles, je trouve que beaucoup de parfums manquent de corps, de texture, de richesse aujourd'hui. Les lancements, trop nombreux, n'en finissent pas de se ressembler dans un marché mondialisé et uniformisé. Je me demande souvent où est passée l’âme de la parfumerie ? Globalement, la créativité est brimée par les tests et beaucoup de parfumeurs sont frustrés ! Pourtant ils ont dans leurs tiroirs de beaux trésors.

Crois-tu qu'il soit encore possible de fidéliser de nos jours ?
Les créations intéressantes viennent à mon sens principalement des marques de niches, plus créatives, dont le succès repose sur une fidélisation de leurs clients qui recherchent l’odeur avant la marque. Si une personne s’approprie un parfum, elle y reviendra. Les marques alternatives à succès l’ont compris

As-tu le sentiment d'être libre, est-ce un luxe ?
Ce n'est pas toujours facile, il faut gérer tant de paramètres. Le travail est parfois lourd mais oui, je me sens libre et oui, j'ai le sentiment que c'est un luxe.

Puis-je te demander pour finir les parfums qui t'ont marqués ?
Bien sûr, ce sont souvent les anciens Guerlain ou Chanel comme Shalimar, Après l’ondée ou N°22, sur lesquels j'éprouve toujours une émotion quand je les croise. Puis il y a de magnifiques féminins comme Diorissimo, 24 Faubourg d’Hermès ou Organza de Givenchy. Des chefs d’œuvre « hyper texturés » chez Serge Lutens comme Féminité du bois, Arabie, Ambre Sultan ; Cuir Améthyste chez Armani Privé, Sables d’Annick Goutal. Quelques beaux masculins, Pour un homme de Caron, Dior Homme, D&G Homme, Egoïste de Chanel, Opium pour homme en eau de parfum YSL, Grey Flannel de Geoffrey Beene. Quand j'ai envie de me ressourcer, c'est la centenaire Eau de fleur de cédrat de Guerlain. Voilà une liste non exhaustive dans des styles bien différents, n'est-ce pas ?

Merci Fabrice pour cette rencontre, je reparlerai très prochainement de certaines de tes créations plus en détail.

Illustrations : Fabrice par Harcourt, Bougie et ambiance Harcourt, Nature et Découverte, Ida Delam.

3 commentaires:

Détour des Sens a dit…

Ou trouver la bougie Harcourt ? Merci

Thierry Blondeau a dit…

On peut trouver cette bougie au Studio Harcourt (10 rue Jean Goujon Paris 8ème), à la boutique Beauty Lounge (13 rue Ferdinand Duval Paris 4ème) et sur ce site : http://www.thebeautylounge.com/1023-harcourt-studio-paris-bougie.html

normandienorge a dit…

Bravo à Fabrice , Monsieur le si génial créateur :)