samedi 18 février 2012

L'Eau Trois - Diptyque 1975 : per fumum.

Lorsque l'on écoute un requiem, la musique accompagne l'élévation de l'âme vers le paradis. Dans sa définition initiale, le parfum passe "per fumum", à savoir à travers la fumée de différentes résines comme l'encens que l'on fait fondre et par laquelle passe l'âme pour s'élever vers le ciel. Il est ainsi présent dans les recettes les plus anciennes utilisées dans les rituels funéraires, d'où ce lien très fort entre encens et église par la force de l'histoire.

Ainsi, il est difficile de parler d'un parfum d'encens sans évoquer pour certains des moments difficiles. C'est également pour cette raison qu'un parfum à base d'encens comme Passage d'Enfer, l'Eau Trois et la Série des Encens de Comme des Garçons n'est parfois pas évident à porter. Pourtant, tel un requiem, un tel parfum peut être envisagé comme un hommage qui permet une sorte de communion entre le ciel, l'âme et le corps, et de se raccrocher à une sorte d'apaisement, de quiétude dans nos villes souvent stressantes, pour peu que l'on y soit sensible. L'Eau Trois de Diptyque est un parfum qui n'a surement pas été conçu pour être porté tous les jours, mais la noblesse des ses matières et la façon dont il se fond à la peau de par leur texture invite à le porter pour soi, parfois, dans des périodes de la vie ou séduction et volonté de plaire deviennent secondaires au profit du repli sur soi et du recueillement. Apaisé, l'esprit se pose, et le parfum l'accompagne.

La résine d'encens est donc le pilier de ce parfum, et comme pour toute résine, je n'ai pas le sentiment de m'asperger de parfum quand je le mets, mais de me frotter avec une huile précieusement parfumée. La gestuelle devient quasiment un rituel d'onction du torse et les bras par cette odeur apaisante à la couleur ambre foncé. Encens, mais aussi aromates comme le thym, le romarin, note boisée de pin des landes, note fumée du cade, note cuirée du bouleau, puis un musc très doux à odeur "moussue et veloutée" de champignon de Paris et de mousse d'arbre en font un parfum qui rappelle les pierres et l'encens des églises avec une fidélité impressionnante, mais aussi une balade en forêt, l'hiver, avec ses fumées de feu de bois et de terre mouillée, ainsi que certaines de ces anciennes officines en bois ciré, où se bousculent alambics et vieux pots d'herbes précieuses aux vertus curatives.

Une oeuvre parfumistique en quelque sorte, qui porte en elle la beauté, la tristesse et la noblesse des Requiem de Fauré ou de Mozart. Un parfum monument, assurément une référence.

Illustration : William Blake - Diptyque.

"Que son âme repose en paix ! "

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ecoutais la Messe de Requiem et le Cantique de Jean Racine de Faure au moment meme ou je tombe sur ta revue de L'Eau Trois!


Emm.

Thierry Blondeau a dit…

Pareil, je l'écoutais en écrivant. Et tu as pensé quoi à ce moment là ?

Anonyme a dit…

trés intéressant , hâte de sentir ce nouveau jus de Diptyque!
je vous conseille l'adresse d'un nouveau blog parfum qui m'a surpris:
parfumannecy.over-blog.com
à bientôt!