mercredi 10 décembre 2014

Chêne - Serge Lutens 2004 : réconfortante nature. Et bon plan "Lutens" en prime.

Avant de commencer l'article sur Chêne, je vous invite à lire attentivement ce qu'il y a écrit en dessous, car, amoureux de la marque et du créateur, un belle occasion de faire ou de se faire plaisir est à connaitre. 

Le chêne, arbre emblématique de la forêt européenne, et plus particulièrement de la fameuse forêt de Brocéliande, est un arbre dont la symbolique est suffisamment forte pour inspirer un parfum. En outre, la mousse de chêne est une matière noble et forte, à l'empreinte reconnaissable, surtout lorsqu'elle est la signature principale des parfums de la famille des chyprés. Pourtant, les nuances qu'elle apporte ainsi que l'odeur de l'arbre en lui même n'avaient jamais été exploités en tant que tels, pour faire ce qui serait une sorte de soliflore chêne. Il fallait donc bien l'audace et l'inventivité d'un Serge Lutens pour imaginer un petit quelque chose autour de cette idée, ce qui donna naissance à Chêne il y a maintenant dix ans.

Départ sur un accord "vert de feuille" des plus réussi et qui pour moi, sent exactement ce que l'on sent en entrant dans un labo de parfumeur avec des inflexions vertes, alcooliques et fruitées à la fois, le parfum évolue ensuite sur une structure solide et épaisse faite de bois et de fumée. Cèdre, santal lacté très présent, notes fumées de bouleau très très légères se dessinent comme les contours du tronc de l'arbre noble. Sur le fond, la mousse de chêne appuyée par son dérivé qui lui donne de la force nommé evernyl, dévoile tout l'ampleur de la mousse dans une impression réaliste et figurative de sous-bois. Ainsi, naturellement et avec une facilité époustouflante, les notes glissent le long de l'arbre au fur et à mesure que le parfum se développe. Feuilles pour la tête, bois pour le coeur, mousses terreuses pour le fonds et la tenue sur la peau. 

Symbole de force de la nature par son ancrage massif et puissant dans le sol, le chêne revoit à des notions de valeurs refuges, de réconfort, de socle auquel on peut se rattacher. Quoi de plus naturel alors si parfois, quand le ciel est gris et que la mélancolie envahit votre esprit, que de se réfugier autour d'un parfum qui aurait en lui cette symbolique ? Car Chêne, par sa signature unique et ses qualités techniques et olfactives, apporte bien malgré lui, ce réconfort.

Magnifiquement original, très belle alternative sèche et terreuse à la déferlante de ouds omniprésents, Chêne rassure : tout d'abord sur l'idée que la créativité n'est pas morte, puis sur la qualité des matières employées, qui ne fait aucun doute, enfin, par sa forme olfactive qui colle parfaitement à la symbolique mise en avant avec une naturalité impressionnante. Un must, un monument, une oeuvre généreuse et apaisante, tout simplement. 

Illustrations : Chêne au domaine de Jules Coignet, Serge Lutens.
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Et pour compléter cet article comme je le mentionnais au début, sachez qu'il existe à Paris un petit coin où se cachent des trésors, à venir explorer comme dans une forêt. A la parfumerie Kaprys, 74 Boulevard Beaumarchais dans le 11e, outre la collection courante, pas moins de douze parfums de la collection exclusive Palais Royal sont disponibles en vapo de 50ml à des prix de base entre 79€ et 104€. Et si vous vous présentez de la part d'Olfactorum (le nom du blog), vous bénéficierez en prime de  -30% de remise sur ces prix...  tentant, alléchant, succombant !
Les parfums "exclusifs" présents sont les suivants : Bois de Violette, Bois et Fruits, Daim Blond, Miel de Bois, Cuir Mauresque, Santal Blanc, Santal de Mysore, Tubéreuse Criminelle, Cèdre, Chêne, Bornéo 1834 et Musc Koublai Khan.

11 commentaires:

Poupoune a dit…

Il faudra que j'aille y jeter une narine (et j'en profiterai pour retester sur peau Boxeuses du cuiiir de la prune hiiii).

Dommage qu'il n'y ai pas Boxeuses justement dans ton bon plan :(

Thierry Blondeau a dit…

Et non, Boxeuse n'y est pas,dommage en effet ! Mais il y a tout de même de quoi redécouvrir et se faire plaisir je pense, à des prix plus qu'intéressants !

Lys Epona a dit…

Je crois que Chêne est un de mes premiers Lutens ! Une figure magistrale, ancrée dans la terre, solide et d'une certaine façon entourée d'un murmure païen. Fort et tellement réconfortant en effet. Je viens de sortir mon flacon de sa cachette grâce à cet article... C'est fou comme il est lumineux aussi : de l'or au coeur d'une foret sombre!
... Je viens aussi de succomber à la tentation du coté de Kaprys!
Merci pour l'article et "le bon plan".

Thierry Blondeau a dit…

En effet, il y a bien un peu de lumière dorée dans ce chêne. Et quelle tentation chez Kaprys, tu n'as pas résisté à quoi ?

Lys Epona a dit…

Ho, j'ai juste pris Miel de bois, Musc Koublaï Khan et Arabie... Mais je m'interroge sur la forte necessité de parfaire mon stock de Chêne justement!!!

Thierry Blondeau a dit…

MKK est magnifique, quel sillage quelle construction ! Arabie est assez addictif, mais Chêne, sur moi, est attachant, me calme, m'apaise par sa signature unique.
On pourrait peut être s'échanger 15ml entre Chêne et Miel de Bois ? A voir non ?

Lys Epona a dit…

Mais c'est une excellente idée ça, je suis partante :-)

MKK, là, c'est simplement LE parfum dont je ne peux me passer! J'ai dit du mal des reformulations mais en reprenant mes flacons et bien j'ai l'impression qu'ils vont mieux...

Thierry Blondeau a dit…

On se contacte par mail pour voir comment on fait ? olfactorum@gmail.com
Merci

Anonyme a dit…

Bonjour Méchant Loup,

Je salue chaleureusement votre article qui remet au gout du jour ce parfum de Serge Lutens.

Il fut mon premier coup de cœur olfactif, d'abord par sa construction et son évolution. La tenue est remarquable ! Elle dure plus de 24h sur ma peau. A chaque vaporisation, je me rappelle le mythe de Myrrha, plus particulièrement le moment ou elle est transformée en arbre par les dieux du panthéon grec. La peau se transforme en écorce, nos pieds en racines qui s'enfoncent toujours plus profondément cette terre, une et indivisible. La terre, le chêne, dépassent la logique manichéenne du sacré et du profane, pour atteindre celle du sacrale.

Je ne ferais pas de description olfactive car celle que vous apportez ainsi que celle de Opium sur Auparfum, reflètent cette caractéristique propre à la mousse de chêne, son pouvoir de suggestion, un attribut qui décuple notre imagination, notre mémoire, nos émotions. Comme l'explique si bien Musque Moi dans sa fiche matière première sur l'absolue mousse de chêne, c'est une matière qui ne laisse pas indifférent. Pour toute ces raisons, et surtout parce que d'excellents blogueurs offrent aux internautes des descriptions olfactives précises et passionnées, que j’insisterai davantage sur la symbolique du chêne.

Revenons-en à la notion de sacralité, ce terme qu'on mêle par erreur au sacré en opposition au profane, est en réalité un terme antérieur et qui n'appartient pas à cette ambivalence Judéo-chrétienne. Autrement dit, tout ce qui est sacrale est unique indissociable. La symbolique accordée par les chrétiens au chêne : Jeanne d'Arc, Saint-Louis, font de cet arbre majestueux le piédestal de symboles mortels qui transcenderaient l'entendement humain. Toutefois la mystique accordée à ces personnages de l'histoire de France repose bien souvent sur des actes légendaires, qui peuvent être facilement démonté de A à Z si l'on s'engage dans un travail de révision de l'histoire. Ainsi le chêne serait un vecteur, un support, dans le meilleur des cas un catalyseur pour une simple bergère mystifiée ou un roi fanatique.

Anonyme a dit…

Cependant, à la lecture de l'article et des commentaires deux termes ont retenu mon attention : ancrage et païen. En effet cette notion d'ancrage dans la terre sacrale par l'action des racines, revoit parfaitement à cette notion de valeurs refuges que vous exprimez. Cette attache véhiculée par Chêne est d'autant plus véridique lorsqu'elle s'adresse à des personnes enfermées dans ce que j'appelle l'urbanisme outrancier, qui provoque la disparation de deux axes primordiaux : L'horizon, l'axe horizontal, le ciel, l'axe vertical. Séquestrés dans cet ensemble de formes géométriques artificielles, Chêne induit une réminiscence, ce souvenir lointain qui nous rappelle à tous un environnement fondamental: la nature. Je suis particulièrement touché par votre analogie avec la forêt de Brocéliande, car cela me rappelle cette fabuleuse terre de Bretagne à laquelle je suis attaché depuis ma naissance.

Cette étape par cette célèbre forêt des légendes Arthuriennes, nous amène au deuxième terme qui m'a interpellé : Le paganisme.
Près de quatre siècles avant la latinisation de la Gaule, d'autres peuples vénéraient cet arbre symbole de force et de longévité : les Celtes. L'idée que je souhaite transmettre ici c'est de rappeler nos origines profondes en proposant des liens avec les liturgies païennes européennes, asiatiques, amérindiennes etc. Visionner "Danse avec les loups" ou encore "Le nouveau monde" de Terrence Malick rappellent incontestablement l'origine, la souche, l'essence même du fonctionnement des premières communautés humaines.
Je remarque bien trop souvent dans mon entourage ou dans mes recherches historiques et culturelles et pire, dans mon comportement, l'aliénation de la société moderne qui provoque l'oubli de notre Etat de nature.

Heureusement, la créativité de ce duo de choc Lutens/Sheldrake, nous réconcilie avec ce passé que l'on tente de nous faire oublier.

Pendant la rédaction de ce commentaire j'ai évidement renifler Chêne, mais également Une Folie de Roses des Parfums de Rosine. Un Chypre classique certes, qui possède des aspects sensuel et envoûtant, où une rose charnue et fruitée rencontre une mousse de chêne opulente, chaude, qui structure merveilleusement le parfum dans son ensemble. Tout cela pour m'exprimer ma déception par rapport à la disparition de l'absolue mousse de chêne, cette matière première incroyable.

Merci encore pour votre article.

Julien

Ps : Je suis navré, j'ai été contraint de scinder le commentaire en deux parties.

Thierry Blondeau a dit…

Merci pour ce long commentaire que je ne vois que maintenant. Tout cela est pertinent et très juste. Le duo Lutens/Sheldrake fonctionnera tant qu'ils auront la liberté de faire du "vrai" parfums, avec une idée, un propos, et une certaine qualité. Que l'on aime ou pas tous les parfums de la marque, on ne peut nier qu'ils s'y tiennent.